On Any Sunday est l’un des premiers documentaires sur la moto telle qu’on la connait dans notre société occidentale, c’est également l’un des films les plus cultes et les plus respectés sur le sujet. À ce jour, il reste un document majeur de la moto-culture, et ce malgré l’absence de Nicolas le jardinier (… désolé). Mais si ce brave Nicolas ne fut jamais convié à venir exhiber son bel engin devant les caméras de Mr Brown, c’est très certainement parce que ce dernier avait des potes un peu plus prestigieux à mettre en avant : les coureurs professionnels Mert Lawwill et Malcolm Smith sont de la partie, ainsi qu’un certain Steve McQueen…
On Any Sunday sort sur les écrans américains en 1971. Le film est immédiatement très apprécié, tant par le public que par la critique et il est nommé aux Academy Awards dans la catégorie des longs métrages documentaires. Il faut dire que Bruce n’en est pas à son coup d’essai. On lui doit notamment le légendaire The Endless Summer (1964). Quand même. Respect. Pour réaliser ce formidable film sur le surf, Bruce Brown tourne autour du monde. Le propre d’un documentaire est de s’adapter au lieu de tournage pour filmer, et non d’adapter le lieu de tournage au film. C’est une expérience précieuse pour Bruce, qui devient un spécialiste des images de sport au téléobjectif. Et croyez moi, à l’époque, c’était pas de la tarte ! Pas de backup vidéo pour contrôler ce qu’on filme, pas d’anti-bougé, pas d’autofocus et pas la moindre info sur la lumière dans le viseur de la caméra. En 1970, pas de GoPro non plus, pourtant On Any Sunday fait la part belle à l’action et aux vues embarquées. Ce sont des images qui font date dans l’histoire du cinéma tant elles sont, à l’époque, novatrices et efficaces. Brown parvient même à filmer de superbes scène au ralenti malgré un budget limité ne lui permettant pas d’utiliser du matériel spécifique. Malin, il place tout simplement des batteries de 24 volts dans des caméras fonctionnant en 12. Résultat : la caméra filme deux fois plus vite et à la diffusion, les images vont deux fois moins vite. Mac Gyver a trouvé son maître.
Mais un film, ce n’est pas que des images bien nettes et bien cadrées, c’est aussi une histoire qui se déroule. Qu’il s’agisse d’une fiction ou d’un documentaire, un film porte un message – certes plus ou moins important selon le sujet et son traitement – , mais pour que ce message passe, encore faut-il garder le spectateur devant l’écran du début à la fin. Et c’est sur ce point précis que Bruce Brown est un des réalisateurs de documentaire les plus talentueux de son temps. Tout comme The Endless Summer, On Any Sunday, n’est jamais ennuyeux.
Beaucoup considèrent ce film comme LE film sur la moto, une œuvre fondatrice jamais égalée en terme d’envergure et de précision. Il faut dire que Bruce a visé juste en s’assurant la présence d’une icône ultime devant la caméra. En ce début des seventies Steve McQueen a atteint des sommets de popularité sur les écrans du monde entier et il a fait ses preuves en tant que pilote de haut niveau – souvent contre l’avis de ses employeurs – dans le monde des sports mécaniques. Ce mec est tout simplement déjà une légende et c’est en vrai passionné et en ami fidèle qu’il accepte de participer au film et même de grandement financer l’affaire via Solar, sa maison de production. Il est sûr et certain que sans McQueen, ce film ne serait jamais devenu ce bijou culte et fascinant. Mais il n’est pas là que pour briller sur l’affiche. Il apporte une véritable caution humaine au projet en descendant de son piédestal de star et en devenant une sorte de (presque) monsieur tout le monde, le pote avec lequel on aime bien aller faire deux trois travers dans le sable, en toute simplicité. Steve McQueen incarne le message du film, simplement en étant là sans être mis en avant.
Aujourd’hui encore On Any Sunday reste un vrai bon film. Il est évidemment daté, les tenues des pilotes, les motos, les casques, la musique, tout contribue à l’ancrer dans son temps mais contrairement à beaucoup d’autres films de la même époque, il ne vire jamais dans le kitsch ou le cliché. Il faut dire qu’il cherche justement à les dégommer, les clichés. On Any Sunday est particulièrement descriptif, presque clinique, et il réussi l’exploit de garder une grande objectivité sur son sujet. Il met en avant les motards sans les glorifier. Bruce Brown respecte ses sujets et le spectateur, il se penche avant tout sur le facteur humain et le place en véritable noyau de la pratique motocycliste. Enfin, deux scènes très importantes, l’introduction et la conclusion, se chargent de montrer qu’il ne traite pas d’un sujet vital mais bien d’un loisir pratiqué par des passionnés en quête de plaisir. Pour la petite histoire, on raconte que la scène d’intro, montrant une bande de gosses faisant la course à vélo en se prenant pour des pilotes de motocross, serait à l’origine de la vague de BMX qui submergea d’abord les états unis avant de déferler sur le reste du monde. Brown a filmé ces riders en herbe en Californie et avant le film, nul n’avait relaté ce type de pratique ailleurs dans le pays. CQFD. Quand à la scène de fin, elle vient s’ajouter à l’intro pour dire l’essentiel : on est jamais qu’une bande de jeunes et on est juste là pour se fendre la gueule. Et Steve McQueen de mordre la poussière littéralement et symboliquement pour montrer qu’il n’est supérieur à personne. Clairement, pour Brown, la moto est un objet de passion, mais cet objet ne vaut rien si on se prend trop au sérieux. L’essence même du truc c’est de savoir rester un gosse.
Depuis 1971, On Any Sunday a eu droit à plusieurs séquelles. Ultime volet de la saga (pour le moment), On Any Sunday – The Next Chapter (2014) est l’œuvre de Dana Brown, le fiston de Bruce. je ne l’ai pas encore vu, je ne peux donc pas vous en parler mais on y reviendra.
Enfin, sachez que On Any Sunday est largement disponible en VHS, DVD et Blue Ray, neuf ou d’occasion. Alors, comme on dit, sit back, relax and enjoy the film! (mais attention quand même, je préfère vous prévenir, ce film est très susceptible de vous donner une grosse envie d’aller faire de la bécane)
Le site de Bruce Brown Films : http://www.brucebrownfilms.com
Le site de On Any Sunday – The Next Chapter : http://www.onanysundayfilm.com
Texte: Thierry Vincent (www.thierryvincent.com)
3 Comments
Le titre français était « challenge one,, si ma mémoire est bonne.
D’ailleurs on le trouve sous ce nom sur YouTube :http://www.youtube.com/watch?v=iZvHsGw5Tg8
[…] excellent Thierry Vincent sur On Any Sunday, le docu culte des bikers des 70’s (lire aussi: On Any Sunday), j’apprends que la suite, intitulé On Any Sunday, Next Chapter est diffusé dans tous les […]