65 km/h à fond de quatre, arc-bouté sur le réservoir, le nez dans la bulle et poignée en coin, en Suzuki GSX-R… C’est le premier avril ? C’est un gag ? Oui et non. En fait, ce n’est pas un gag, puisque Suzuki à bien fabriqué une série de GSX-R 50 cc. C’était dans les années 80 et les catalogues Suzuki, Honda et Yamaha étaient presque aussi épais que celui de La Redoute. Aujourd’hui on appellerait ça un marché de niche mais à l’époque on ne se posait pas toutes ces questions. On se disait juste que si c’était aussi fun que ça en avait l’air, ça avait de grandes chances de marcher. Ainsi la grande mode des replica, comprenez des motos routières sportives dérivées des machines de Grand Prix, qui fut initiée par la légendaire Suzuki GSX-R, donna-t-elle naissance à de nombreuses générations de motos qu’on peut aisément classer par familles selon leur spécificités.
Un vrai petit arbre généalogique dont certaines branches conduisent à des best-sellers dotés de moteurs capables de vous satelliser d’une simple rotation du poignet droit (Honda CBR, Kawasaki ZXR, etc)… Tandis que d’autres branches, plus basses, vous emmèneront peut être vers des souvenirs d’adolescence qui sentent bon le mélange deux temps et le désinfectant (pour les genoux écorchés après une bonne vieille gamelle en sortie de rond point un peu optimiste). Et puis il y a ces petites branches qu’on avait même pas vu tellement elles sont au ras du sol. Une petite famille de petites motos, affectueusement appelées Gag bikes par toute une communauté de motards qui n’ont pas oublié ces petits engins aussi bizarres qu’attachants.
Un Gag bike c’est une sorte de moto miniature qui fait 50 ou 80 cc. C’est tout de même plus gros qu’une pocket bike et surtout, c’est homologué sur route ! On appelle ces motos « Gag bikes » parce que la première à avoir vu le jour est justement la fameuse petite Suzuki, et que le terme « GAG » était tout simplement inscrit sur son carénage. Le modèle exacte était RB 50 GAG. Je sais pas vous, mais moi ce genre de p’tite chiotte ça me donne tout de suite envie d’essayer ! En plus, elle n’a rien à envier à sa grande sœur GSX-R, cadre périmétrique façon « box », fourche hydraulique, mono-amortisseur arrière, frein à disque… Hélas la pauvre Suzuki GAG est anémique. Son 50 cc 4 temps développe à peine plus de 5 chevaux. Ce qui serait tout à fait suffisant s’il n’avait que les 65 kg de la moto à emmener. Mais une fois qu’il y a un pilote juché dessus, c’est une autre histoire. Suzuki annonçait un petit 65 km/h à fond… Les utilisateurs parlent plutôt de 40 à 45. La Suzuki RB 50 GAG est restée à peine plus de deux ans au catalogue mais elle a tout de même été diffusée (entre autres) au Japon, aux USA (où elle n’était pas street-legal, ce qui limita grandement sa diffusion), en Angleterre (sous le nom de GSX-R 50), en France (uniquement en 1988), et en Finlande jusqu’en 1989. Curieusement, nos amis nordiques eurent droit à une rare version deux temps, nommée Solifer, parce-que, dit-on, le petit 4 temps de base n’aimait pas les démarrages à froid. La Suzuki RB 50 GAG était jolie, surtout dans sa livrée aux couleurs de la marque, mais à part la rare Solifer, elle n’était pas à la hauteur de la concurrence : Honda NSR, Kawasaki KSR et Yamaha YSR.
À la même époque, chez Honda, ça sent plus l’huile que l’essence. Dès 1987, ceux qui trouvent la RB 50 un peu molle peuvent se tourner vers la p’tite NSR. Même gabarit, même petites roues de 10 pouces, même petite gueule de mini moto de GP, bref sur la NSR comme sur la RB, on a les fesses au ras du bitume, sauf qu’avec la Honda le bitume va défiler beaucoup plus vite. Ici, point de 4 temps poussif sous le carénage, mais une belle petite bouilloire à deux temps emmanchée d’une boite six, délivrant presque 7,5 cv en 50 cc et 12 dans sa va version 80 ! Et avec seulement 75 kg sur la balance, elle marche plutôt fort cette NSR ! La 80 accroche facilement le 120 à l’heure. Autant vous dire qu’à cette allure là, perché à moins de 70 cm du sol, les sensations sont garanties ! Contrairement à la p’tite Suz, la Honda est un succès et reste au catalogue pendant douze ans. Durant sa carrière elle aura droit à deux évolutions. Sa partie cycle sera un peu revue dès 1989 pour offrir un empatement un peu plus long, puis en 1994 ses roues passent en 12 pouces et sa silhouette s’affine quelque peu, bien sûr l’esthétique de sa robe évoluera selon les modes mais à part ça elle conservera la même mécanique tout au long de sa carrière.
L’autre GAG a avoir fait la loi chez les rase-moquette, c’est la Yamaha YSR. En fait c’est la seule que j’aie vu pour de vrai. Un pote à moi en avait une en 91 (on avait 17 ans) et croyez moi, si on a envie de rire quand on voit ce genre de petite moto pour la première fois, il suffit de la voir rouler – et d’essayer de la suivre avec une moto « normale » – pour se rendre compte de la dose d’endorphine que cette machine est capable de vous propulser dans les veines. À l’époque je roulais en Honda 125 MTXR II, une moto qui faisait quasiment la taille d’une 650 Dominator et qui marchait plutôt très bien. Mais y’avait pas moyen, l’YSR était trop petite, trop légère, trop vive. Un vrai jouet à ne pas mettre entre toutes les mains. Même avec 45 cc et 5 cv de plus, je ne pouvais pas lutter contre la petite bombe aux célèbres couleurs de l’YZR 500 de GP. Mais la Yamaha n’aura jamais le succès de la NSR. Moins raffinée côté suspensions et moins puissante avec seulement 9 cv, la Yamaha est moins exploitable à cause d’une boite à seulement cinq rapports (contre six sur la NSR).
N’empêche, l’YSR reste une petite machine drôlement mignonne et capable de délivrer beaucoup de plaisir. À noter, une rare version trail, imitant la Yamaha 240 TDR, fut également mise sur le marché Japonais en 1988. Elle ne fut hélas pas importée mais le public français a pu la découvrir au salon de la moto 89, juste à côté de sa grande sœur. Quelques clients interpelés par la petite bête firent les démarches nécessaires pour en importer quelques unes, si bien qu’aujourd’hui il arrive, de temps en temps, d’en croiser une dans les petites annonces… Attention, objet rare !
Enfin, la mini de chez Kawa s’appelle KSR ou KMX80A, selon les pays. Elle lorgne plus du côté de la moto verte que du Grand Prix. Disponible en 80 cc, ses spécifications se rapprochent de celles de la Yam’ mais il semblerait qu’elle aie été très peu diffusée. N’empêche, sa p’tite gueule de micro KMX, sa mécanique apparente, sa fourche inversée et ses deux freins à disque la rendent hautement désirable. Elle a commencé sa carrière en 1987/88 et a été produite tout au long de la décennie 90. Elle est même, en quelque sorte, l’une des dernières représentantes du genre puisque sa descendante la KSR PRO (111 cc 4T, 8,5 cv, boite 4, 94 kg et roues de 12 pouces) figure actuellement au catalogue de Kawasaki Japon. J’en veux une !
Quand on est motard, en général on traverse tous plus ou moins une période sportive, un de ces moments de la vie où on apprécie la vitesse. Et puis on admire les missiles à deux roues, les machines de GP comme les modèles de série, qui sont bien souvent capable d’atomiser pas mal de supercars dont les tarifs sont sans commune mesure avec l’univers de la moto. Mais seulement voilà, la réglementation est de plus en plus punitive, le trafic routier gonfle à vue d’œil et, quoi qu’on en pense et quoi qu’on en dise, le plaisir de la vitesse ne donne pas le droit de se comporter en assassin de la route. Et si vous vous croyez plus fort que tout le monde, souvenez vous que même les plus grands se sont vautrés un jour ou l’autre. Donc, pour ma part, je vois de moins en moins la pertinence de rouler sur des machines du calibre d’une GSX-R ou d’une CBR. Autant elles étaient fabuleuses et enivrantes entre la fin des eighties et le début des nineties, autant elles sont devenues inutiles. Je vous le dis mes amis, aujourd’hui le plaisir à deux roues est ailleurs. N’importe quel pilote de bagnole vous le dira, on prend autant – si c’est pas plus – son pied à trajecter sur un col alpin en Mini Cooper ou en Fiat 500 Abarth qu’à tracer à mach 2 sur une autoroute allemande. Et ces petites bécanes, c’est exactement ça qu’elles essayent de faire. Donner du plaisir à celui (ou celle) qui aime être technique, celui (ou celle) qui aime les sensations plutôt que le chrono. Et pis là au moins, pas besoin de coucher la machine comme un pilote de Grand Prix pour avoir le genoux au ras du sol.
D’ailleurs, si l’envie vous prend de vous offrir une de ces petites bombes, je vous conseille d’aussi vous payer un jeu de genouillères et de coudières (ben oui, les coudes aussi peuvent frotter en virage là dessus). Et même sans aller jusqu’à parler pilotage, la simple présence d’un tel petit engin dans le garage, est une vraie bonne idée de collectionneur. Ces motos sont rares, elles s’inscrivent dans une époque aujourd’hui révolue et leur bouille est si craquante que c’est un carton plein garanti, que vous vous présentiez à un rassemblement de youngtimers ou qu’elle soit simplement sur un piédestal dans votre salon (si si, je suis sûr que ça ferait très joli). Côté portefeuille, c’est la Yamaha YSR qui sera la plus facile à trouver et en général un exemplaire en bon état se négocie entre 1700 et 2000 € (tarif également valable pour la rarissime TDR…). Vous pouvez aussi vous mettre en quête d’une KSR, on en voit de temps en temps en Angleterre ou vous pouvez tout bêtement en faire venir une du Japon. Dans un cas comme dans l’autre il faudra la faire homologuer mais je ne pense pas que ce soit impossible. Sinon, il y a la Suzuki GAG, qui en étant la première du genre, a tout à fait sa place dans une collection ; elle est déjà plus difficile à dégotter, mais pas impossible, comptez sur un budget allant de 1500 € pour un modèle propre à plus de 3500 € pour une quasi-neuve, et oubliez la Solifer, à moins d’en trouver une au fond d’une grange lors d’un voyage en Finlande. Enfin, c’est sans surprise que la NSR, reine de la catégorie, caracole en tête avec un tarif descendant rarement en dessous de 3500 € ; attention, elle est très difficile à trouver en France où je ne crois pas qu’elle aie été importée. Entre 1500 et 3500 €, c’est beaucoup pour de si petites motos mais avouez que c’est pas cher payé pour se taper la honte à l’arrêt… Avant de mettre tout le monde d’accord dans les portions sinueuses. Et puis de toute façon, vous savez ce qu’on dit : tout ce qui est petit est mignon et le ridicule ne tue pas.
Texte: Thierry Vincent (http://thvphoto.blogspot.fr/)
7 Comments
La Honda Zb n’aurait il pas une place dans cet article?
Je dirais oui et non. Oui pour ses dimensions, performances et agrément, et non parce qu’elle ne constitue pas une pseudo-réplique d’un modèle « taille normale » existant. Ceci, un petit Monkey dans le garage, je serais pas contre 😉
bonjour
peut on trouver des pieces pour remettre en route une RB 50,
pour un grosse revision
merci
pierre
Bonjour Pierre,
Dans un premier temps, je vous conseille de jeter un œil à ce site : http://www.cmsnl.com/suzuki-rb50-1987-h_model13943/partslist/ ; à savoir, si votre RB50 est un modèle initialement importé en Europe, il doit s’agir de la version H. Ensuite, je vous conseille d’aller faire un tour sur le forum Gixxer, et plus particulièrement sur ce fil, qui traite de la RB50 : http://www.gixxer.com/forums/269-11-present-gsx-r600-750/532690-new-toy.html (par contre, va falloir soigner votre anglais !).
Bon courage pour le remise en route et n’hésitez pas à partager quelques photos de la bête.
Thierry
Bonjour Pierre,
Dans un premier temps, je vous conseille de jeter un œil à ce site : http://www.cmsnl.com/suzuki-rb50-1987-h_model13943/partslist/ ; à savoir, si votre RB50 est un modèle initialement importé en Europe, il doit s’agir de la version H. Ensuite, je vous conseille d’aller faire un tour sur le forum Gixxer, et plus particulièrement sur ce fil, qui traite de la RB50 : http://www.gixxer.com/forums/269-11-present-gsx-r600-750/532690-new-toy.html (par contre, va falloir soigner votre anglais !).
Bon courage pour le remise en route et n’hésitez pas à partager quelques photos de la bête.
Thierry
Reste aujourd’hui la Honda 125 msx.
La MSX est une chouette petite bécane, c’est un peu une héritière des Monkey et autre ZB. Mais, à mon humble avis, elle n’entre pas dans la catégorie à laquelle cet article fait référence dans le sens où il ne s’agit pas d’une moto s’inspirant / répliquant un « grand » modèle de la gamme Honda. Ceci dit, j’aimerais bien en tester une, elle a l’air très sympa.