Pierre est un ami, qui écrit »parfois » ici, parfois ches nos amis de News d’Anciennes, et qui monte sa version british lentement mais sûrement. Toujours est-il qu’il est une valeur sûre et montante de l’auto aujourd’hui. Comme je suis plutôt sanguin, j’ai préféré lui laisser la parole, tant elle me semblait juste et posée, et résumait tout et son contraire en quelques « signes » (journalistiques)… Je vous laisse juges !
Depuis un certain temps, les blogueurs auto » reçoivent de « délicates » piques de la part des journalistes établis. Ces « nouveaux » (enfin cela fait un certain temps quand même que certains sites existent) venus seraient une nuisance. Faisons le point.
Pour reprendre les dires de Pierre de Vilno sur Europe 1, les blogueurs font (feraient ?) que certains journalistes professionnels sont laissés sur le carreau, du fait de la perte de vitesse de la presse classique. Est-ce réellement le cas ? Je n’en suis pas si sûr. La presse écrite a mis beaucoup de temps à s’adapter à l’ère internet, mettant à mal son modèle économique par la même occasion, n’est-ce pas plutôt par là qu’il faudrait éventuellement aller chercher des responsables ? Pertes de finances à cause de la perte de volume, et donc restriction de personnel, c’est pareil pour toute entreprise, la presse ne fait pas exception. Y a-t-il un réel lien de cause à effet ou simplement concomitance ? Je ne suis clairement pas apte à apporter la réponse (étant moi-même blogueur) mais je peux poser la question.
Toujours selon Pierre de Vilno, « certains [blogueurs] se prennent vraiment pour des Fangio » entrainant de la casse. Il serait vain de le nier, mais est-ce en majorité le cas ? Non. On entre pour le coup dans un argumentaire fallacieux. Certes une minorité de blogueurs fait n’importe quoi (tant avec les autos qu’avec leur site), mais prendre en exemple une minorité pour en faire pâtir la majorité, cela ressemble énormément à certains discours politiques décriés par la presse, non ?
Il met également en avant le fait que les journalistes sont moins enclins à être impressionnés que les blogueurs. Là encore, c’est prendre un raccourci dangereux. Je suis prêt à parier qu’un journaliste qui démarre sera tout autant impressionné qu’un blogueur débutant, et que dans les deux cas (blogueur ou journaliste), les vieux briscards resteront imperméables à une telle débauche de moyens pour un essai.
Si Pierre de Vilno était un cas isolé, on pourrait penser qu’il ne s’agit là que d’un débordement sans importance. Cependant sa chronique fait écho à un article de Jacques Chevalier sur le site du Point qui explique qu’ « il est en effet plus facile d’assouplir le cuir d’un blogueur dépendant, pratiquant à ses heures perdues un hobby, que celui d’un journaliste critique, exerçant un métier en toute conscience. » Là, c’est un peu gros (lire aussi: La différence entre le bon et le mauvais chasseur) ! On peut être amateur tout en gardant un certain esprit critique, le fait d’avoir été formé en école de journalisme permet certes d’affuter cet esprit critique, mais encore faut-il en faire preuve à la base ! Et je crois que savoir prendre du recul n’est pas l’apanage seul des journalistes.
Entendons-nous bien, il existe effectivement chez les blogueurs auto des « touristes » qui viennent profiter de ci de là de la vie de journaliste, mais est-ce la majorité ? Je ne pense pas. La plupart des blogueurs que j’ai rencontrés ont monté leur site web pour partager plus avant leur passion, comme ils le font dans la vie. C’est un point de vue qu’un journaliste ne pourra malheureusement jamais apporter. Beaucoup de blogueurs ne sont pas journalistes et ne cherchent surtout pas à le devenir ou à être traités comme tels ! Certains cherchent parfois à en vivre, mais doit-on blâmer quelqu’un parce qu’il cherche à vivre de sa passion ?
Se pose alors la question du financement. Pour beaucoup de blogs cela passe par des articles sponsorisés ou de la publicité. Pour cette dernière, cela passe par des régies qui ne comprennent rien au schmilblick et vous proposent des pop-ups sans aucun rapport avec le contenu du site, comme on en croise sur n’importe quel site web contenant le mot « buzz » dans l’adresse. Pour les articles sponsorisés, il y a différentes écoles : ceux qui l’indiquent clairement, ceux qui l’intègrent dans leur ligne éditoriale quand c’est possible, et ceux qui « pondent » un article qui n’a rien à voir avec la semoule. D’aucuns diront que c’est faire fi de son objectivité. C’est vrai, d’une manière ou d’une autre, même si l’inflexion donnée à la ligne éditoriale est parfois vraiment minime. Les journalistes ont donc raison sur ce point, malheureusement… ils y ont recours eux aussi. Comme quoi attention aux arguments mis en avant, ils peuvent se retourner contre vous.
Une autre dérive est souvent reprochée aux blogueurs : le « pute à clic ». Certains n’hésitent pas à avoir recours à des titres volontairement putassiers (et un contenu à l’avenant) afin de s’assurer une visibilité sur internet. Malheureusement, les médias plus « institutionnels » ont pris ce pli également. Il suffit de voir les articles « live » sortis après le premier accident mortel d’une Tesla en conduite autonome, beaucoup en ont tout de suite conclu la dangerosité du système, avant même de savoir que le conducteur ne regardait même pas la route au moment de l’accident ! Ce manque de recul, et parfois de vrai contenu, assure le « buzz » d’un blog, et aussi sa complète perte de crédibilité. Il en va malheureusement de même pour un site web dépendant d’un « vrai » journal. Quand Turbo.fr nous parle de ce fait « Insolite : il percute un arbre en voiture à cause de Pokemon Go », on est en droit de se demander quel est le réel rapport d’une telle « information » avec l’automobile…
Les deux supports sont victimes des mêmes travers au final. Mais cela vient-il vraiment du système ? J’y vois plus malheureusement une question de personnalité, qui n’a rien à voir avec le fait de posséder une carte de presse ou non. Comme on dit, il y a des cons partout, la presse ne fait pas exception, et les blogs non plus.
Les blogueurs et les journalistes sont-ils obligés de se faire concurrence ? Absolument pas. L’engouement de bien des lecteurs de blog vient souvent du fait que les essais sont moins cliniques que ceux des journalistes, non pas en concurrence, mais en complément de leurs lectures presse habituelles. La principale différence entre les deux supports ? Certainement le type de public. Soyons honnêtes, le lectorat des blogs adore ce support car il offre une interaction rapide avec l’auteur, ce que n’offre pas un journal, ni même un site web de journal. Ce manque n’est malheureusement pas un choix, mais le résultat du fonctionnement même de la presse. Un journaliste doit traiter son sujet, avant de passer au suivant. Il ne peut pas se permettre de revenir dessus, parfois des mois plus tard, ce que peut faire un blogueur, car ses revenus n’en dépendent pas.
Au final, les deux supports sont à mes yeux complémentaires. Il n’y à qu’à passer quelques heures sur les réseaux sociaux pour le voir. Certaines personnes sont des bibles concernant les fiches techniques, là où d’autres parlent purement de leur ressenti. Je vous laisse deviner qui préfère quel support. Chacun offre ses avantages et ses inconvénients tout simplement. D’un point de vue personnel, je trouve ce débat parfaitement stérile dans la mesure où la presse pointe du doigt une activité certes grandissante, mais encore bien loin de lui faire de l’ombre réellement. Doit-on y voir un comportement de « privilégié » ayant peur de perdre ses privilèges ? Les journalistes se nuisent plus qu’autre chose avec ce genre de discours, car cela ne mènera qu’à un complet clivage entre les deux groupes, là où une collaboration pourrait pousser tout le monde vers le haut !
Texte: Pierre « slipgate » Sumy…
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13 Comments
je pense que les deux existent et c’est bien ainsi. Perso j’achète de la presse écrite comme super vw mag , gazoline, yougtimers magazine, auto plus classique etc..
Mais j’aime vraiment beaucoup des blogs de qualité comme boitier rouge ou des forums comme passion cox.
La presse doit s’adapter à la vie numérique. Le principal c’est la passion.
on est d’accord 😉
Une seule chose m’a guidée dans la création de mon blog essais-libres.fr, c’est la passion auto. Même si je suis loin d’être aussi parfait qu’un journaliste au moins je réalise en vidéo les essais que j’avais envie de voir et qui ne dure pas seulement 3 minutes où au final on ne sait rien de l’auto. Le plus important étant de s’epanouir dans une activité et d’avoir un public, ce qui au bout de 2 ans est mon cas. Merci pour cet article intéressant !
Je crois que depuis que l’automobile est devenue un objet aseptisé à part quelques marques, l’intérêt pour la presse automobile papier n’est plus qu’un catalogue qui reflète bien la situation générale de cette industrie, cela explique peut être l’engouement pour les youngtimers ou la voiture de collection.
Personnellement, je préfère un blog de qualité comme BR à la lecture insipide de certains magazines automobiles.
Les deux ne sont pas incompatibles, bien loin de là… et la presse « insipide » est bien souvent une presse bien plus à la portée de la personne lambda, qui n’ira pas forcément chercher dans la presse ultra spécialisée, ni dans les blogs du genre de BR.
Comme expliqué les deux sont complémentaires, il n’y a pas de réelle concurrence entre les deux médias.
Les deux ne sont pas incompatibles, mais il faut reconnaitre que l’internet fait beaucoup de tort a la presse ecrite.
Je trouve sur le web toute l’information dont j’ai besoin, rapidemement, gratuitement et quand je le souhaite ; de plus, comme souligné dans l’article, je peux interagir avec l’auteur et partager avec d’autres lecteurs.
Plus rien ne me motive a acheter une revue, et ce ne sont pas les critiques emmisent par les journalistes cités dans l’article qui me donnent envie d’y revenir. Ils s’imaginent que les lecteurs sont trop cons pour faire la difference entre du « pute a clic » et un bon article ? Ne cherchons pas plus loin la principale raison de la perte de leur lectorat..
Et bien moi,
C’est boitier rouge !
Pas de langue de bois de journaleux sous influences …
Merci Paul
Mnbee from LFLX
Je ne sais pas s’il faut parler de complémentaire, mais plutôt d’évolution…. avant, nous n’avions que la presse, aujourd’hui les médias sont différents, et ce qui se passe sur le net permet également d’être plus pointu qu’une émission grand public sur une chaîne nationale ou dans un canard de grande diffusion.
Bon allez maintenant ca suffit de blablater, trouves-nous une curiosité produite en argentine sur base vw ou renault… 😉
Perso je suis capable de lire et d’acheter gazoline, et gti tech, et d’autres revues,
et de lire à coté des blogs comme boitier rouge et de l’essence dans mes veines.
Qui plus est, vous êtes effectivement complètement complémentaire, car la ou certaine revue parle de la énième 205 gti puis de véhicule autres qui m’intéresse plus, vous vous parlez de modèle qui ne passera jamais dans la presse écrite, car n’intéressant pas grand monde.
Je frôle les 60 ans, j’ai donc un peu de recul pour juger de cette évolution de la Presse, et j’ai même travaillé dans la diffusion de Presse (NMPP) un temps.
J’ai toujours acheté des magazines sur l’Automobile, depuis tout petit l’Auto-journal a été ma berceuse, les grands périples avec les GS, le démontage de la Golf I , des articles qui me reviennent en mémoire …
Le Moniteur Automobile ensuite pour son sérieux, et AutoPlus pour faire comme tout le monde.
Et puis un jour la connexion internet est arrivée dans la maison, et je n’ai plus rien acheté !
J’ai même emmené (je le regrette) tous mes Auto-Journal Spécial Salon à la déchetterie, partant du principe que si je veux voir à quoi ressemblait une Opel Rekord 1972, Google me le dit dans la seconde.
Alors je ne me pose pas de question à savoir si un journaliste est plus à même qu’un blogueur de parler auto, je n’écoute pas Europe 1 mais RTL, et souvent il se dit de grosses bêtises quand le spécialiste parle automobile ….
Mon avis, mes avis, je me les fais avant d’acheter une auto, par la globalité, un peu d’Autoplus, une peu de POA, un peu d’Automobile Magazine, rarement un tour sur les forums ou il se dit tout et n’importe quoi.
Paul, Pierre, ce que vous soulignez dans cet article, c’est un phénomène bien plus large de défiance vis à vis des annonceurs et des médias classiques. C’est quelque chose que toutes les études consommateurs identifient et ce quelque soit le secteur d’activité.
J’ai écrit défiance mais c’est plutôt de la distance qui est prise par les lecteurs/clients/prospects vis à vis de la « parole officielle ».
Les blogueurs sont considérés comme « indépendants » et leur parole est perçue comme plus crédible. Ils connaissent leur sujet et sont souvent passionnés et en parlent en dehors de tout discours officiel des marques.
C’est assez caractéristique d’un marché où les consommateurs prennent largement le pouvoir sur les annonceurs, et choisissent désormais ce qu’ils veulent entendre et qui ils veulent écouter.
Cela fonctionne bien sur tant que les blogueurs eux-mêmes ne sont pas récupérés par les annonceurs…
https://www.auto-net.fr/5-raisons-changer-mesure-performance/
Que vous êtes crédules et, accessoirement, imbus de vous même ….
Vous donnez l’impression de ces enseignants qui ne parlent que d’échanges, débats, … à condition que seules leurs idées aient voix au chapitre !
C’est d’ailleurs la principale caractéristique du blog : la mise en scène solitaire de son auteur. Elle peut être narcissique, studieuse, décalée, …. Elle n’en reste pas moins lexpression de son anonymat sociétal et de son besoin d’exister.
Vous parlez de « privilèges » de la presse ? Est-ce un privilège que d’être payé pour un travail ? Faut-il être bénévole, au RSA pour être crédible et indépendant ? Ou est l’indépendance quand on accourt à toutes les « invitations » presse et qu’on fantasme devant un pass VIP ? Ne soyez pas naïfs : Constructeurs et organisateurs d’événements ne font qu’acheter, d’une façon ou d’une autre, leur présence médiatique (ou numérique) à travers vous ! Votre indépendance n’existera que le jour où vous direz NON au lieu d’accourir au galop…
Combien de blogueurs « influents » ont revendu leur blog a un groupe de presse ou ont plié les gaules contre un emploi bien rémunéré dans un magazine ? Chutt, ca faut pas le dire…. Ben oui, les blogs nous rejouent le sketch des « radios libres » des années 80. On a vu le résultat.
[…] part, mais aussi, dans la logique du débat « journalistes vs blogueurs » (lire aussi : Blog versus presse, le faux débat), un moyen de montrer que la presse n’est pas l’ennemie des blogs (et vice […]